Les âmes du tram

Nouveau site visuels
Illustration par Audrey Bourdin pour Soleyne Joubert

5h du matin. Premier tram.

Je pars à l’aéroport et redécouvre soudain qu’il existe une vie en dehors des heures de pointe. Que d’autres sont réveillés lorsque je dors. Qu’ils se déplacent comme mille fourmis tranquilles et invisibles. Des fourmis silencieuses surtout.

Il règne un silence de cathédrale dans ce tram. Et puis soudain, un bruit dans mon casque. On me tape dans le dos. Un homme m’observe. Il trimballe sa maison dans des sacs en plastique et sent mauvais.

Je le juge immédiatement et choisis que je n’ai pas envie de parler. Il est trop tôt, il pleut des trombes d’eau et je suis trempée. Je ne suis pas d’humeur, passez votre chemin monsieur. Mais le type insiste, il est lourd, il me touche.

Je me replie dans ma coquille. Tout de lui m’est désagréable. Je sais qu’il ne demande pas grand chose. Il veut du contact. Quelqu’un à qui parler qui n’ait pas les yeux rivés sur son téléphone. Je porte mon casque anti bruit. Je vois le type s’agiter mais je ne l’entends pas. Il s’échaude et s’irrite de mon silence. Laisse moi bordel, fait la voix dans ma tête.

C’est alors qu’un petit jeune qui se tenait tout près intervient. Je ne l’avais pas regardé et lui non plus. Trop occupée par Instagram et la vie cartonnée des autres qui défile. Il avait le visage poupon, les joues hautes et les yeux pleins de sommeil. 

-Laisse la, elle veut pas parler.

Le vieux s’irrite et se justifie. Il ne me veut pas de mal, il veut juste me parler mais j’ai mon casque de dark vador. Je ris, le petit jeune aussi. Il retire ses AirPods, s’assoit à côté du vieux et lui dit. 

– Parle moi je t’écoute.

Mon cœur fait boum. D’admiration pour ce geste d’une grande maturité sociale et humaine. Ce geste que je n’ai pas su faire. Le vieux et le jeune entrent en contact. Collision de deux univers. Celui de la rue et celui de l’adolescence qui se termine doucement. Ils parlent, s’écoutent et je les regarde sans les entendre.

Le tram nous emporte tous les trois dans la nuit, comme un gros vers de métal et toute la magie du monde se réveille. Il n’y a plus rien d’autre que notre étrange trio d’humains. Les arrêts défilent et je suis emplie de gratitude. L’aéroport se dessine au loin et je n’ai pas envie de sortir de cette bulle de douceur inopinée.

En descendant je me retourne une dernière fois et découvre que mes deux acolytes marchent côte à côte dans la nuit, leurs corps balancent. Ils se connaissent à présent. Le jour se lève. 

Partagez autour de vous

D'autres articles qui pourraient vous plaire

bob est un instructeur de conduite. il m'emmène dans une toute petite voiture

Bob le voleur

Je me dis que si un jour on se fait tirer la caisse, ça sera Bob, c’est sûr! Bob il adore la petite Audi noire et blanche dans laquelle je

Lire l'article